- Biniam Girmay s'était imposé sur la 12e étape jeudi dernier à Villeneuve-sur-Lot. (© Getty Images)
Biniam Girmay crève l’écran cette année sur les routes du Tour de France, remportant trois étapes et devenant le premier Africain noir à lever les bras sur la Grande Boucle. Le coureur érythréen était passé par Aigle et l’UCI il y a quelques années. Son coach de l’époque s’en souvient.
C’est un peu du Chablais qui brille sur les routes du Tour de France grâce à Biniam Girmay. Le coureur érythréen a remporté trois étapes sur la Grande Boucle 2024 : la troisième, la huitième et la douzième. Il est devenu à cette occasion le premier Africain noir à lever les bras sur la plus prestigieuse course cycliste au monde. Tout ceci pour un jeune homme de 24 ans qui est passé durant deux années par Aigle, et le Centre mondial du Cyclisme.
Actuel Education and Talent Detection Manager au sein de l’UCI, Jean-Jacques Henry a été l’entraîneur de Biniam Girmay durant ses années chablaisiennes. Il se souvient de son arrivée comme si c’était hier. « Biniam avait dans un premier temps été repéré par notre centre satellite d’Afrique du Sud. Les meilleurs sont d’abord invités à venir dans un camp d’entraînement. Puis, la crème de la crème arrive par la suite à Aigle. » Ce fut le cas pour le natif d’Asmara, à l’été 2018.
Un élève qui apprend (très) vite
« Je me souviens d’un jeune homme très gentil, toujours souriant, jamais stressé », ajoute le coach français. Mais si à son arrivée en Suisse Biniam Girmay était talentueux, notamment au niveau physique, Jean-Jacques Henry mentionne qu’il avait plusieurs lacunes techniques. « Nous avons dû mettre en place plusieurs choses, pas mal de routines, pour lui permettre d’atteindre le haut niveau. »
Pour ceci, il a fallu apprendre à découvrir le coureur, son histoire, tant sportive que familiale. « Dès qu’il y a des lacunes chez un athlète, nous présentons cela à l’ensemble du groupe, afin de ne pas passer à côté avec d’autres sportifs. »
Biniam Girmay a cependant su très vite venir à bout de ses lacunes. « Il y a l’aspect cognitif et l’envie de réussir qui font que l’athlète va intégrer plus ou moins rapidement les informations. Et il est vrai que concernant Biniam, c’était assez sympa pour nous, car quand nous lui donnions une consigne, c’était enregistré et appliqué directement. Nous n’avons pas toujours cette chance, parfois nous devons répéter 10-15 fois… », se souvient Jean-Jacques Henry.
Une équipe actuelle idéale
Les premières prouesses de Biniam Girmay à l’UCI, en 2018 et 2019, n’ont pas tardé à éclabousser le continent européen. Après son aventure aiglonne, l’Erythréen s’est engagé auprès de la formation tricolore Delko, avant que l’équipe belge Intermarché-Wanty de niveau World Tour (1ère division mondiale) ne rachète son contrat en août 2021. Une rareté, dans le monde du cyclisme professionnel.
« Nous avons tous été surpris de voir qu’une équipe européenne pouvait faire cela pour un athlète qui n’avait pas encore prouvé grand-chose. Nous nous demandons encore aujourd’hui quelles sont les raisons qui les ont poussés à le faire. Mais bien leur en a pris ! », sourit Jean-Jacques Henry. L’ancien coureur de 57 ans relève également que l’Intermarché-Wanty a su donner à Biniam Girmay un coup de pouce supplémentaire.
Une année après avoir rejoint le team belge, l’Africain s’est imposé sur le mythique Gand-Wevelgem, quelques semaines avant de remporter sur la 10e étape du Giro. Le Tour de France 2024 a permis au coureur de, s’il le fallait encore, prouver à la planète cyclisme ce dont il était capable. La Grande Boucle se terminera ce dimanche, à Nice. Biniam Girmay espère ainsi ramener sa tunique verte de leader par points dans la Cité des Anges. Et continuer à inspirer son continent, comme l’explique Jean-Jacques Henry. « Biniam est un moteur et un rêve pour tous les jeunes de son pays. Je suis sûr que cela va nous amener de très bons athlètes prochainement ! »
Thierry Nicolet